L'accès aux établissements d'accueil du jeune enfant (EAJE) dépend fortement des dynamiques locales : les territoires sont inégalement pourvus en crèches, les familles concernées ont des besoins hétérogènes et les services en charge de la petite enfance mettent en œuvre des politiques d'attribution des places différentes selon les territoires. Cet article s'appuie sur une enquête qualitative menée auprès de familles et de professionnel•le•s pour analyser les enjeux de la demande de place en EAJE. Il permet de comprendre les arbitrages générés par un travail de qualification des demandes, dans lequel se déploient les registres du travail social d'écoute, de l'activité administrative et de la prévention, ajustés aux contextes locaux. Les acteurs mettent donc principalement en avant deux enjeux : celui d'assurer la mixité sociale dans les lieux d'accueil et celui d'apporter une réponse publique à des demandes singulières.
Au fil d'une ethnographie de la lutte contre les violences conjugales, l'auteure a rencontré des femmes professionnelles et militantes, féministes et travailleuses sociales, investies dans des carrières aux multiples facettes. Cet article propose tout d'abord de retracer l'essor d'un groupe professionnel issu d'espaces associatifs, processus intimement lié à la construction de politiques publiques. Il présente ensuite trois figures de travailleuses militantes, nées de cette professionnalisation caractérisée par la volonté de dépasser les clivages expert/profane, militant/professionnel.
Résumé Inscrites dans une histoire militante et une institutionnalisation en cours, les associations qui accueillent et hébergent des femmes victimes de violences conjugales ont une démarche d'accompagnement spécifique tout en étant intégrées au travail social institutionnel. Cet article prend pour objet les différents effets de ce travail social féministe sur les femmes accueillies. D'une part, on observe un effet de «?conscientisation?» pouvant se traduire par une conversion du regard, une découverte du féminisme et, parfois, une entrée dans le militantisme. D'autre part, l'institutionnalisation introduit les logiques managériales des financeurs publics qui imposent des pratiques de réinsertion sociale perpétuant la division sexuée du travail.
This research focuses on how the public policy against domestic violence has been set up, how it has evolved, and how it is currently implemented. Using a sociohistorical approach, I did an ethnography of some of the feminist non-profit organizations which provide victims of domestic violence and their children with counseling and accommodation, and I did interviews with professionals of government institutions in order to understand how public action has been dealing with the issue of domestic violence. Framed as intolerable at the end of the second wave feminist movement, domestic violence became a feminist cause which is now supported by professional and institutional associations. Thanks to the production of a body of scientific knowledge and its practical translation by state feminism, this cause has become legitimate and was put on the political agenda. Analyzing the activist careers of the organizations' founders helps to understand the organizational decisions they made, as well as the reasons why they moved into the social work sector. A new group of professionals came into being, and it was made of three types of activist workers. Their professional training and socialization participate in shaping a feminist professional group, differing from social workers in their practice as well as in their framing of domestic violence. The way laws and judicial practice has evolved, professional controversies and the new public management of public policies are all elements which shed light on the dynamics of change in the public policy. As well as a contribution to the analysis of public policies, this research seeks to make feminist professional practice visible. ; La politique publique de lutte contre les violences conjugales constitue l'objet de cette thèse, qui en retrace les fondements, la mise en œuvre actuelle et les éléments au principe des processus de changement. A partir d'une approche sociohistorique et d'une enquête ethnographique dans les associations féministes accueillant et hébergeant des femmes victimes et leurs enfants, et par entretiens auprès des professionnels des institutions étatiques, cette recherche se propose d'étudier les ressorts de l'action publique luttant contre les violences conjugales. Constituées en intolérable à la fin du mouvement féministe de la seconde vague, les violences conjugales sont devenues une cause féministe, défendue par des associations aujourd'hui professionnalisées et institutionnalisées. Légitimée par la production de savoirs scientifiques, cette cause a également été l'objet d'un travail de retraduction par le féminisme d'Etat, pour être ensuite mise à l'agenda politique. Les carrières militantes des fondatrices des structures d'accueil permettent de comprendre le projet associatif qu'elles ont soutenu, et les raisons de leur choix d'investir le secteur du travail social. Un nouveau groupe professionnel émerge, auquel participent trois figures de travailleuses militantes. La spécificité de leurs pratiques, et du cadre d'interprétation des violences conjugales les distinguent dans l'espace du travail social : les formations et socialisations professionnelles contribuent au devenir d'un groupe professionnel féministe. L'analyse de la mise en œuvre de la politique publique conduit ensuite à rendre compte des dynamiques de changement. Les évolutions de la législation et des pratiques judiciaires, les controverses professionnelles ainsi que la nouvelle gestion publique comme mode d'administration des politiques publiques, constituent les principaux ressorts du changement de la politique publique. Contribuant à l'analyse des politiques publiques, cette thèse entend aussi rendre visibles des pratiques professionnelles féministes, trop rarement étudiées.
This research focuses on how the public policy against domestic violence has been set up, how it has evolved, and how it is currently implemented. Using a sociohistorical approach, I did an ethnography of some of the feminist non-profit organizations which provide victims of domestic violence and their children with counseling and accommodation, and I did interviews with professionals of government institutions in order to understand how public action has been dealing with the issue of domestic violence. Framed as intolerable at the end of the second wave feminist movement, domestic violence became a feminist cause which is now supported by professional and institutional associations. Thanks to the production of a body of scientific knowledge and its practical translation by state feminism, this cause has become legitimate and was put on the political agenda. Analyzing the activist careers of the organizations' founders helps to understand the organizational decisions they made, as well as the reasons why they moved into the social work sector. A new group of professionals came into being, and it was made of three types of activist workers. Their professional training and socialization participate in shaping a feminist professional group, differing from social workers in their practice as well as in their framing of domestic violence. The way laws and judicial practice has evolved, professional controversies and the new public management of public policies are all elements which shed light on the dynamics of change in the public policy. As well as a contribution to the analysis of public policies, this research seeks to make feminist professional practice visible. ; La politique publique de lutte contre les violences conjugales constitue l'objet de cette thèse, qui en retrace les fondements, la mise en œuvre actuelle et les éléments au principe des processus de changement. A partir d'une approche sociohistorique et d'une enquête ethnographique dans les associations féministes accueillant et hébergeant des femmes ...
This research focuses on how the public policy against domestic violence has been set up, how it has evolved, and how it is currently implemented. Using a sociohistorical approach, I did an ethnography of some of the feminist non-profit organizations which provide victims of domestic violence and their children with counseling and accommodation, and I did interviews with professionals of government institutions in order to understand how public action has been dealing with the issue of domestic violence. Framed as intolerable at the end of the second wave feminist movement, domestic violence became a feminist cause which is now supported by professional and institutional associations. Thanks to the production of a body of scientific knowledge and its practical translation by state feminism, this cause has become legitimate and was put on the political agenda. Analyzing the activist careers of the organizations' founders helps to understand the organizational decisions they made, as well as the reasons why they moved into the social work sector. A new group of professionals came into being, and it was made of three types of activist workers. Their professional training and socialization participate in shaping a feminist professional group, differing from social workers in their practice as well as in their framing of domestic violence. The way laws and judicial practice has evolved, professional controversies and the new public management of public policies are all elements which shed light on the dynamics of change in the public policy. As well as a contribution to the analysis of public policies, this research seeks to make feminist professional practice visible. ; La politique publique de lutte contre les violences conjugales constitue l'objet de cette thèse, qui en retrace les fondements, la mise en œuvre actuelle et les éléments au principe des processus de changement. A partir d'une approche sociohistorique et d'une enquête ethnographique dans les associations féministes accueillant et hébergeant des femmes ...
Résumé Les associations luttant contre les violences sont prises dans une ambivalence : malgré l'idéal féministe de l'émancipation et de la prise de conscience des rapports de force hiérarchisés, la « réinsertion » par l'économie prévaut. Sous la pression de leurs financeurs demandant une « rotation » des personnes hébergées, les travailleuses sociales sont contraintes de céder aux sirènes de l'autonomie économique, amenant les femmes hébergées à chercher un emploi parmi les plus précarisés et les plus pénibles. Celles-ci étant souvent seules avec leurs enfants, elles doivent trouver un mode de garde et ainsi alimenter la chaîne de la délégation marchande du travail de care . C'est alors que se trouve renforcée la division sexuelle du travail professionnel et domestique, malgré l'ambition féministe d'un changement social, quand le travail social ne peut apporter qu'une aide individualisée sans maîtriser l'ensemble des rouages dans lesquels il est pris.
Résumé Cette enquête en centres de loisirs montre ce que l'organisation des équipes d'animatrices et d'animateurs doit conjointement au soupçon de pédophilie pesant plus facilement sur les hommes, et à l'assignation des femmes au travail de care dans le cadre de la division sexuée du travail. Dans un contexte médiatique de 'panique morale' à ce sujet, on observe une légitimation accrue de l'idéologie de la complémentarité, tandis que l'éventualité d'une interchangeabilité des animatrices et des animateurs devient moins probable. Cela conduit à un renforcement des assignations de genre et de la hiérarchie des tâches selon leur proximité avec le domaine du sale et du soupçon, et introduit une inégalité entre animatrices et animateurs face à ces situations. 1